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Développement personnel / Bien-être

La mort à prix cassés

En juillet 2012, la ville de Paris par l’intermédiaire de ses services funéraires décidait d’innover et de lancer un service d’obsèques low cost. Le projet « révolution obsèques » permet d’organiser un enterrement pour un prix de base de 789 euros, à Paris et dans les départements limitrophes (92, 93, 94). Une zone sur laquelle on comptabilisait 40 185 décès au cours de l’année 2011. Traditionnellement, en France, il fallait compter 3 000 euros en moyenne pour des funérailles. Pour Cendrine Chapel, directrice générale adjointe des services funéraires de la ville de Paris : « Ce nouveau service est né après une réflexion commencée il y a plusieurs années. Nous avons identifié 2 phénomènes qui nous ont amenés vers la solution du low cost, la crise tout d’abord qui impacte beaucoup nos concitoyens et qui les poussent à chercher les prix les plus bas et l’envie de nombreuses personnes de ne plus avoir à se raconter face à un conseiller. Cela nous a convaincu d’aller vers une dématérialisation des liens avec les clients ».

Cette offre ne donne accès qu’au minimum obligatoire : cercueil, plaque d’identification, corbillard avec chauffeur. Le reste, fleurs, faire-part ou conservation du corps dans une chambre froide si le décès a lieu à la maison, est en option et fait monter les tarifs. Enfin, le prix « low cost » ne comprend pas les frais du crématorium (700 euros en moyenne) ou la redevance inhumation (autour de 170 euros à Paris), la taxe municipale et la vacation police. Par exemple, l’offre va grimper à 1654 euros pour une crémation avec dispersion des cendres et cérémonie au cimetière du Père-Lachaise. Cela reste néanmoins bien en dessous des 3000 euros en moyenne dépensés avec les pompes funèbres traditionnelles. Ces bas prix sont obtenus en dématérialisant le service : toute la démarche se déroule sur Internet. L’offre est également standardisée, il n’y a ainsi qu’un seul modèle de cercueil, « mais pas le premier prix » précise Cendrine Chapel. Il y a aussi une économie sur le personnel. Ce sont donc les familles qui vont devoir réaliser toutes les démarches administratives relatives à un décès.

« Des utilisateurs loin d’être dans le besoin »

D’autres opérateurs se lancent dans l’aventure des enterrements low cost. « Le choix funéraire » a lancé sa marque Ecoplus funéraire avec un prix d’appel à 1285 euros alors que le groupe « Rébillon » mise lui sur pompesfunebres-sparrow.com, avec une offre de base à 814 euros. Dans le milieu des pompes funèbres, toutes ces nouveautés font grincer des dents. Pour Philippe Rollet, le président du Groupement des entreprises funéraires de France, qui rassemble 250 entreprises indépendantes sur le plan national : « C’est une vaste fumisterie voire de l’escroquerie. On prend les gens pour des imbéciles. Le prix est un faux problème. Les gens en deuil qui viennent nous voir ont besoin de conseils et d’un service personnalisé. Et tout cela nécessite du personnel. Ça me scandalise que l’on ose leur demander, en échange d’une réduction, d’effectuer eux-mêmes les démarches administratives ».

Pour Sabine Legonidec, de la Coopérative de Pompes Funèbres à Nantes Rezé, la démarche peut paraître surprenante car les familles endeuillées ont plutôt besoin de conseils et d’être accompagnées. C’est d’ailleurs l’ADN de ces nouvelles structures, à l’opposé donc de la vision low cost. ».

Du côté de la mairie de Paris, en tout cas, on se félicite de cette initiative en voyant le succès rencontré. Pour Cendrine Chapel : « Les utilisateurs de ce service sont loin d’être dans le besoin. Ce sont en majorité des gens entre 40 et 50 ans qui ont l’habitude de servir d’Internet et d’y réaliser des achats ». Philippe Rollet, lui ne décolère pas : « Chercher par tous les moyens à faire baisser le prix des obsèques de ses parents ou d’un membre de sa famille, c’est pour moi un scandale. J’y vois là un important signe de la décadence de notre société ». Les consommateurs semblent eux se poser moins de questions. Le service « révolution obsèques » valable pour les départements de la petite couronne pourrait d’ailleurs s’exporter. « Pour l’instant, ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour, mais on commence à regarder comment cela pourrait se faire car de nombreuses communes de France viennent vers nous pour se renseigner sur ce système », conclut Cendrine Chapel.

Julien Auduc

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