Si la consommation continue de décroître en France en raison de la crise économique, celle d’énergie fait exception. Et les excès de l’hiver ne sont pas pour inverser la donne. L’Insee notait ainsi au début du mois que « les prix des produits du raffinage poursuivent le redressement débuté en janvier (+3,7 % après +1,7 %), dans le prolongement du prix du pétrole de la mer du Nord (Brent) (+3,4 % après +1,2 %). La hausse du prix de l’électricité est cependant moindre en février qu’en janvier (+1,7 % après +2,4 %) ». Tendance qui concerne moins directement le gaz, puisque son prix baisse de 0,6% au 1er avril pour le troisième mois consécutif. Mais avant cela, au 1er janvier, il avait grimpé de 2,4%. Cette augmentation ne devrait pas se tarir. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) prévoyait ainsi, en février, une hausse de 30% des tarifs de l’électricité d’ici 2017.
Pour les Français, ce son de cloche est d’ailleurs pris au sérieux : selon le baromètre annuel Énergie-Info sur l’ouverture des marchés – réalisé par le médiateur national de l’énergie et la Commission de régulation de l’énergie -, 97% des foyers interrogés anticipent une hausse des tarifs au cours des prochains mois. Pour Lucas Chancel, économiste spécialisé sur l’énergie et les consommations d’énergie à l’IDDRI (1), les énergies « traditionnelles » sont aujourd’hui les principales responsables de la hausse des prix de l’énergie. Dans le cas du pétrole, les tarifs sont dictés par la demande internationale en hausse; pour le gaz, si ses réserves s’accroissent avec le potentiel non conventionnel, il voit ses coûts d’exploitation s’accroître. « Quant au nucléaire, on se rend compte que le coût de tous les EPR en construction est en augmentation par rapport à ce qui était prévu. On voit également, notamment avec Fukushima, le besoin de renforcer la sécurité sur les sites, nécessitant de nouvelles dépenses. Sans parler des coûts de gestion des déchets qui, selon les associations spécialistes du sujet, ne seraient pas entièrement pris en compte », souligne Lucas Chancel. Aussi, ajoutés aux investissements nécessaires pour relier et moderniser le réseau, les ENR à elles seules ne seraient-elle pas, du moins aujourd’hui, la principale explication à la hausse des prix de l’énergie ? Même si la Commission de régulation de l’énergie (CRE) estime que plus de 50% de la hausse de la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) d’ici 2017 sera due au soutien aux ENR.
Agir sur la facture et non sur le prix ?
La France peut-elle agir sur le coût de l’énergie ou faut-il se résigner à le voir grimper inéluctablement ? Pour Marie-Claire Cailletaud, responsable de la politique énergétique et industrielle de la Fédération nationale des Mines et de l’Energie-CGT, s’y résigner, c’est risquer de détruire davantage notre industrie. « D’après l’Agence française d’investissement, une des principales raisons du choix de la France pour les investisseurs étrangers est un prix de l’énergie très compétitif. Une situation héritée de notre histoire et des politiques énergétiques menées. Si du point de vue énergétique la France dispose d’atouts importants, la situation est en train de se dégrader, tant concernant les tarifs que la qualité », regrette-elle. Aux yeux de Lucas Chancel, là n’est pas le problème. « L’Allemagne a un coût de l’électricité supérieur de 50% à celui de la France, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une industrie compétitive, une industrie lourde notamment ». Il s’agirait davantage d’un choix de société. « Pour des raisons environnementales évidentes, la France, du moins depuis quelques années, veut à long terme réduire les consommations d’énergie pour réduire son impact environnemental et augmenter son efficacité énergétique, poursuit-il. Dans ce cas présent, on ne va donc pas demander à la collectivité de payer nos factures, en fixant les prix par exemple, pour qu’on puisse continuer à consommer beaucoup. A l’inverse, on peut demander à la collectivité de nous aider à réduire nos factures d’énergie ». Travaux d’isolation et campagnes d’information à l’appui donc. Et ne prévoir d’aide au paiement d’une facture trop lourde que pour les plus précaires d’entre nous.
(1) Institut du développement durable et des relations internationales
Fanny Costes