Touslesbudgets.com : Que recouvre la notion d’e-santé ?
Jean-François Poletti : La définition est large. Elle regroupe l’ensemble des aspects numériques liés à la santé : tout ce qui concerne la télémédecine, l’utilisation des smartphones, la communication et la transmission de données via des plateformes de santé. Pour un professionnel de santé, c’est par exemple un spécialiste qui intervient dans un hôpital depuis un autre, via une caméra numérique. Pour un particulier, c’est par exemple le suivi du traitement pour le diabète, par mesure des taux de glycémie. Ce sont aussi les pharmacies qui font de la consultation à distance. Et il ne faut pas oublier les applications mobiles, qui proposent du coaching, du bien-être, des conseils nutritionnels.
TLB : Où en est le développement de ces technologies ?
J.-F. P. : Elles restent encore assez confidentielles, avec beaucoup de starts-up et peu ou pas de déploiement à l’échelon national. Aujourd’hui, les technologies et les offres sont là. C’est l’utilité et l’intérêt pour les acteurs de la santé qui doivent désormais être mis en avant.
TLB : Que reste-il à faire ?
J.-F. P. : Il faut rassurer les acteurs de la santé et créer une valeur ajoutée pour le patient et le professionnel de santé. Cela viendra quand ils en auront une facilité l’accès : aujourd’hui, il y a l’offre mais tant qu’elle n’est pas standardisée, un praticien ne va pas ajouter 50 ou 60 icônes sur son ordinateur. On reste au stade de l’expérimentation au niveau des pouvoirs publics. La technologie est là, il faut lui donner un eco-système, des modalités de financement et une utilisation avec Internet. C’est demain, on va y arriver.
TLB : Quel est l’intérêt pour le consommateur ?
J.-F. P. : Notre étude laisse apparaître que 80% des Français sont favorables à l’utilisation de l’e-santé car ils voient l’utilité des nouvelles technologies dans beaucoup de domaines et se demandent pourquoi on ne les utiliserai pas aussi dans la santé. Pourquoi on ne pourrait pas consulter ses résultats d’analyses en ligne, dans un espace sécurisé, à partir du moment où on est rassuré sur la confidentialité et la sécurité du système ? L’e-santé peut aussi permettre de résoudre certains problèmes liés aux déserts médicaux, de faire des économies d’échelle et d’optimiser la qualité des soins. Nombre de dossiers médicaux ont du mal à bouger d’un hôpital à un autre. La santé est un domaine très complexe, avec beaucoup d’acteurs, et l’e-santé peut permettre de donner au système de santé la transversalité qui lui fait parfois défaut aujourd’hui.
TLB : L’e-santé peut-elle avoir un impact bénéfique pour le budget des consommateurs ?
J.-F. P. : Pour eux, l’intérêt économique reste à démontrer. Certaines applications de bien-être ou d’observance médicale peuvent aider à améliorer la santé et par conséquent réduire les dépenses de santé. Dans le déploiement de ces solutions, les mutuelles pourraient proposer ces services et offrir des droits à réductions. L’utilisation de l’e-santé peut réguler davantage le passage chez le médecin, notamment dans le cas d’un petit rhume ou de ce que l’on appelle la « bobologie ». Si on limite le nombre d’examens, on limite le reste à charge. On a donc recours à moins d’actes, ce qui génère des économies sur l’ensemble de la chaîne.
TLB : On compte aujourd’hui plus de 10 000 applications de santé francophones sur mobiles et tablettes. Comment différencier le gadget de l’outil médical ?
J.-F. P. : On peut parler d’e-santé dès lors que l’outil est utilisé dans le cadre d’un suivi médical. C’est à ce moment-là que le système sort du gadget, quand il est relié à un dispositif médical. Car quand on parle de santé, un seul acteur est légitime, c’est le professionnel de santé. Et la technologie ne peut pas le remplacer.
Propos recueillis par Benjamin Hay
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