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L’évolution des modes de vie et l’avènement de l’ère digitale ont fait prendre mille visages à la « ménagère de cinquante ans ». Une notion rangée dans les cartons des marques et des publicitaires, qui n’oublient pas pour autant que la femme reste à l’origine de la moitié des achats du foyer.
Elle a tant fait parler d’elle, cette « ménagère de cinquante ans » (ou « de moins de cinquante ans », selon les cas). L’opinion l’avait même érigée au rang de symbole d’une société hyper consommatrice. Le profil historique de cette cible privilégiée des marques et des annonceurs, apparue dans les années 1960, fait figure aujourd’hui d’archaïsme. Même Médiamétrie, chargé de mesurer les audiences TV/Radio/Internet, n’utilise plus la notion depuis le début de l’année. Fin de l’état de grâce pour celle qui « représentait la personne qui s’occupe des principaux achats courants du foyer et qui touchait ainsi la consommation de quatre personnes », rappelle Yvonne Herbin, directrice des études et du marketing publicitaire du groupe Marie Claire.
Attention à une nuance : la femme -au sens large/noble- reste largement choyée par les annonceurs. « Elle est toujours une cible de premier ordre car elle conserve le rôle majeur d’acheteur du foyer, avec environ la moitié du volume d’achat », confirme Rodolphe Bonnasse, PDG du groupe CA COM, spécialisé dans la distribution.
Plus active et connectée
La mise au placard de la « ménagère » n’est pas qu’affaire de sémantique. Certes, le terme fleure bon les années 1960 et semble péjoratif aujourd’hui. Il n’empêche que c’est davantage du côté de l’évolution des mœurs que se trouvent les racines de son déclin. Un rapport du Credoc*, publié en décembre 2013, laissait déjà penser que la retraite n’était pas loin pour elle. « Depuis une vingtaine d’années, la part des conjoints (entendu par « hommes », ndlr) effectuant des courses n’a cessé d’augmenter, tandis que la courbe de ceux qui ne les font jamais a suivi la tendance inverse », analysait alors le Centre d’études.
Le panéliste Kantarmedia, dans un rapport plus récent, décrit la « ménagère » comme plus active en 2015 qu’en 2001 (83% contre 79%) et utilisant bien davantage Internet au quotidien qu’il y a quatorze ans (88% contre 11%). « Ce changement a commencé à s’opérer au début des années 2000, avec l’essor du digital, qui a eu pour conséquence une fragmentation du profil des consommateurs, qui agissent de manière de plus en plus volatile », explique Rodolphe Bonnasse.
Un casse-tête pour les annonceurs
Ce morcellement a brouillé l’image traditionnelle de la femme prescriptrice des achats du foyer. Médias, marques et publicitaires ont dû revoir leur copie. Pour Yvonne Herbin, « les médias traditionnels privilégient aujourd’hui les données comportementales à partir de ce que l’on a fait ou acheté, car le digital dispose de ce type de données et pas de données sociodémographiques ».
Du côté des régies publicitaires, on mise de moins en moins sur la « ménagère ». Elle ne représenterait plus « qu’autour de 3% » de leur investissement, précise Rodolphe Bonnasse. Lequel pointe du doigt le vieillissement de la population et une construction du pouvoir d’achat qui s’inverse, avec « des enfants qui guident aujourd’hui leurs grands-parents ». Un transfert de savoirs qui serait responsable du glissement vers un discours des marques « de moins en moins monolithique ». Le PDG de CA COM cite en exemple les banques. Pour lui, ces dernières « ont totalement changé leur fusil d’épaule. Avant, elles axaient leur discours sur la ménagère, considérant que 80% de leurs jeunes clients étaient amenés par leurs parents. Or aujourd’hui, ils viennent seuls pour acheter leur maison, financer leur entrée à l’université… ».
A Yvonne Herbin le mot de la fin : « En cinquante ans, la ménagère affiche toujours les mêmes aspirations : curiosité, optimisme, partage et envie de réussir. A nous (communicants et médias, ndlr) de trouver des discours qui fédèrent en fonction des cibles et des circonstances. » Il y a encore du boulot. Selon une étude Nielsen publiée fin 2013, 91% des Françaises se disent « incomprises » par les annonceurs.
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